Histoire rapide et chimie élégante
Formulé pour la première fois à la fin du XIX siècle, le paracétamol a été popularisé dès les années 1950. Chaque année, environ 40 millions de boîtes sont vendues en France — un record, mais aussi un certain paradoxe car sa mécanique intime échappe encore, pour partie, à l’analyse chimique classique (Science, 2018).
Un mode d’action subtil et central
Le paracétamol ne joue pas les cow-boys dans l’organisme : il est à la fois antalgique et antipyrétique (contre la fièvre), mais pas anti-inflammatoire. Sa cible principale ? Les cyclooxygénases (COX), ces enzymes clés dans la fabrication des fameuses prostaglandines.
- Contrairement aux AINS, il inhibe surtout une forme particulière de l'enzyme, la COX-3, principalement au niveau du cerveau et de la moelle épinière, et beaucoup moins dans les tissus périphériques (John J. Trickett, 2001).
Résultat : il « désamorce » principalement la sensation de douleur, et réduit la fièvre en agissant sur le centre de la thermorégulation de l’hypothalamus. Mais son action sur l’inflammation elle-même est faible, voire nulle : d’où l’absence d’effet franc sur le gonflement, la rougeur, ou la chaleur locale.
Plus de questions que de certitudes ?
Tout n’est pas élucidé pour autant. Depuis le début des années 2000, de nouveaux mécanismes complémentaires sont soupçonnés : le paracétamol pourrait aussi stimuler indirectement des récepteurs du système endocannabinoïde dans le cerveau, adoucissant la perception douloureuse (Högestätt et al., JBC 2002). Il aurait aussi une action sur les voies sérotoninergiques descendantes, participant au contrôle de la douleur.
Qu’en retenir ? Son efficacité contre la fièvre et la douleur légère ou modérée ne fait guère de doute, mais ses moyens d’action exacts restent un terrain ouvert à l’investigation.